François GASTINEAU
A la suite de mes études supérieures à Paris, je suis devenu professeur de physique. J’ai d’abord enseigné deux ans au Maroc en coopération puis en région parisienne. Depuis une quinzaine d’années, j’exerce en Normandie. J’écris depuis une bonne dizaine d’années. J’ai publié une première fois il y a quelques années et tout récemment ici, à la Librairie des inconnus avec laquelle je compte poursuivre ma collaboration en vue de prochaines publications.
YS et ZIS
Je vais mourir je le sens, Rocade Nord de Beauvais, mercredi 26 novembre […], qu’est-ce qu’elle m’avait écrit déjà en provenance de Zagreb vitesse de la lumière ? Un homme, victime d’un accident de voiture, se remémore pendant le temps des secours tout le mois passé écoulé sur le net. Il y a retrouvé sa première amoureuse. Il s’appelle François et vit en Normandie, elle s’appelle Nolwenn et vit en Croatie.
Du même auteur :
La dame de Haute-Maison
La grille était ouverte alors il est entré.
Telle est la première phrase de ce livre.
Un homme se rend plus de cinquante ans après sur
les lieux de l’accident qui a causé le décès de son père.
Muni du vieux procès-verbal de gendarmerie de l’époque,
il va faire en une journée des découvertes surprenantes.
Et puis il y a une jeune fille mourante sur son lit d’hôpital qui attend …
Du même auteur :
05 Août 1951
« Je crois que je suis amoureux. » Toute histoire a une fin, mais certaines histoires ne meurent jamais et celle-ci est l’une d’elles. A travers des lettres, on rentre dans un monde intime, un monde d’amour naissant, de poésie, de passion, de jeunes frustrations et de rêves inachevés.
Du même auteur :
REGNES
Règnes
Je suis né à Vouziers département des Ardennes le 8 décembre 1954 - c’est ma date de naissance - de Jacques et Pauline. Jacques, mon père, trouva brutalement la mort sans l’avoir vue venir en plein jour d’une voiture par l’arrière quelques années plus tard. C’était à Rambouillet, Seine-et-Oise à l’époque, Yvelines désormais, le 11 novembre 1958. Nous sommes aujourd’hui le dimanche 25 septembre 2011 et depuis avant-hier, par conséquent depuis vendredi, j’ai vécu un nouveau changement brutal.
Une fois ces dates posées, je peux dire, sans aucune exagération, que ma vie est partagée en trois parties qu’on peut dater comme on le ferait pour les années de règne de trois rois successifs à savoir, je note consciencieusement, 8 décembre 1954 -11 novembre 1958, je vais dire François 1er bien sûr, 11 novembre 1958 -23 septembre 2011, François II maintenant en appliquant la coutume royale qui consiste à reprendre le nom du roi précédent comme ce fut le cas aux XVIIème et XVIIIème siècles avec la succession des Louis et 23 septembre 2011 - 25 septembre 2011, François III donc. La dernière période devrait logiquement s’étoffer avec le temps qui court. Mais c’est parce que je ne suis pas sûr qu’elle se prolonge, bien que je le souhaite au-delà de toutes les limites envisageables, que j’écris. Si tel malheureusement ne devait pas être le cas, ces lignes seront les traces d’un règne fugace que je pourrai relire plus tard, je l’espère, sans éprouver de honte ou sans ressentir un triste amusement vis-à-vis de moi-même. Comme un testament en suspens en quelque sorte.
L’état de grâce est parti, il n‘aura duré que deux jours et trois nuits et la douleur est revenue. Où s’en est-il allé ? Où s’était-elle cachée ? J’observe, à la lecture des lignes de dimanche, que j’ai vécu ces quelques jours de manière naïve et passive en sachant que tout pouvait disparaître et en ne tirant aucune conclusion sur une quelconque action à entreprendre. Mais était-ce possible et comment le savoir ? Je voudrais tant que mon père soit présent, mort ou vivant. Mort tel un gardien de phare de haute mer invisible dont on sait de la terre la présence dans la nuit par la lumière que le miroir renvoie ou vivant lors de la relève attendue et qu’à terre devant moi, il s’étonne, points d’exclamation, ou bien qu’il s’interroge, points d’interrogation. Qu’avec fierté, il cite ouvrez les guillemets Aragon. Ou Stendhal. Et tous les autres sentiments aussi avec leurs virgules, leurs points-virgules au maniement délicat, leurs tirets et leurs parenthèses, leurs points de suspension, et aussi leurs accents, les aigus, les graves et les circonflexes et les règles de grammaire du participe passé des verbes pronominaux parce que sont les plus dures et que je ne les maîtrise pas complètement. Il a été vivant je le sais. Ce que je connais de lui se condense en une image. Ce n’est pas l’image ordinaire d’une photographie qui aurait été fixée sur le papier. Non. Elle est, sans ambages* dans mon cœur, celle d’un paradis où l’univers est clos et si je n’ai pas su l’entretenir pendant ces heures récentes d’un pauvre règne éphémère, l’idée me vient en écrivant, c’est que le temps y coule sans effraction comme l’eau d’un ruisseau de printemps.
* expression datée mais c’est comme ça.
Du même auteur :
POEMES
Un roi éclairé
C’est toutes des filles de garces. Pardonnez monseigneur. Une sacrée maladie garce qui se transmet bien au chaud de femelles de garces-mères en femelles de garces-filles. On pourrait bien les plaindre, des siècles d’oppression, d’éducation forcée avec le bel avenir, mère, fille des rues, bonne-sœur, alors trouve-toi un homme et vite ma fille, oui maman, c’est quand même mieux qu’un mac ou que le petit Jésus. Fais-lui faire deux, trois mômes, il n’osera plus bouger. Ah, la belle prise d’otages, sournoise, bénie par le curé ou par la république, au nom du père, du fils ou au nom de la patrie, voire au nom de l’amour, ah chéri que je t’aime. La douce rigolade. Et même si c’est vrai, l’amour et balivernes quand les yeux de la femelle rencontrent ceux du promis, ça ne peut pas bien durer, vous avez bien raison, vous connaissez les hommes. On se croirait en 14 et la tranchée d’en face. Est-ce une révolte ? Non, Sire, c’est la Révolution. Ah, les belles tricoteuses. C’est toutes des filles de garces, croyez-moi monseigneur. Le terrain est miné, les sirènes et Circé Calypso, fuyez, fuyez carrosse, passez par la Lorraine, rendez-vous à Coblence ou à Sigmaringen. Nous autres les manants attendrons au château la pandémie des garces. Mais dîtes-moi, mon bon, qu’en sera la médecine ? Ah Sire, je ne sais pas, de nos pauvres faiblesses nous risquons de périr. La maladie des garces est une triste chandelle qui compte sa lumière pour des papillons grêles en quête d’une caresse ou d’un sourire absent comme les nourrissons dont les lèvres avides cherchent le lait manquant au sein de mères exsangues. Ah Sire, le lait, le sang. De ce breuvage sacré, cet écoulement vital, voyez comme les garces-mères, voyez comme les garces-filles sont les grandes demoiselles. A genoux, chapeau bas, fiers banquiers de Londres, Amsterdam ou Florence, vous avez vos maîtresses ! De tous vos coffres forts, aucun n’est plus fermé que celui de leurs cœurs, à l’intérêt trompeur, à l’usure étudiée, c’est qu’il faut nous défendre, nous sommes si malheureuses, verset un, verset deux, de leur Bible juponnière, ah la belle affaire, je vous passe les cajoleries et leurs enluminures. Langue de garce voilà tout. Gardez-vous monseigneur de croiser le chemin d’une reine assoupie sous la liqueur filiale, oh le doux miel. Gardez-vous monseigneur. Sous la saveur sucrée de la ruche frémissante, vous n’auriez que l’amertume du fiel et votre cri de surprise, mais tu es une garce, pardonnez monseigneur, serait vite étouffé sous leurs dards silencieux. Car voyez-vous, doux Sire, les dards des femelles sont beaucoup plus puissants que tous les anneaux des rois. Leurs cours sont innombrables, leurs armées solidaires et pour les maintenir en ordre de bataille, point besoin de ducats, de louis ou d’assignats, la solde est inconnue au bataillon des garces, elles se paient sur la bête, gare aux bombes, elles se ruent à la guerre au nom de la liberté et de l’égalité et de leur beau miroir. Enviez, enviez, Seigneur, nos cousins de l’espèce animale, les lions et les taureaux qui tiennent leurs femelles sous le croc et la corne. Mais dans notre lignée, ces attributs royaux sont devenus risibles, le croc s’est réduit en canine pauvre dent enfantine, et la corne, oh Seigneur ! Voyez la perfidie ! Mais dîtes-moi mon bon, d’où vient tout ce malheur ? Sire, tant de reines-mères me viennent à l’esprit que celui-ci s’égare, ne sait laquelle choisir, celle-ci, celle-là. Dans nos passés de roture, le silence est la loi de ces garces de femelles orgueilleuses et honteuses. Une reine-mère atroce aurait-elle vécu aux temps immémoriaux que toute sa descendance couvrirait ses forfaits tandis que vous Seigneur, sous vos nobles coutumes et vos mâles traditions, votre cœur est couvert. D’Aliénor l’intrépide, traîtresse à votre trône ou de l’atroce Catherine, vous ne balancerez pas et d’un geste royal écarterez leurs méfaits. Ainsi, mon beau doux Sire, vous pouvez préserver le message de douceur du Seigneur Eternel, oh la mâle douceur auguste et apaisante. Mais dîtes-moi mon bon, sont-elles si impies ? Hélas oui, doux Sire, leur douceur est factice, leur regard le plus tendre un amer trompe l’œil. Tout chez elles est tactique. Tel l’aimant qui attend l’aiguille métallique qui dépassera d’un pouce la zone interdite pour la rendre captive, elles ne pensent qu’au futur, leurs rêves les plus secrets sont notre cauchemar. Comment vais-je faire maman, dit la fille à sa mère ? Et celle-ci d’expliquer, boutiques, arrières boutiques et celle-là d’enregistrer, pensez donc monseigneur, c’est maman qui l’a dit. Ce n’est pas la voix du Ciel, c’est la voix des femelles. Mais dîtes-moi mon bon, que se disent-elles entre elles ? Hélas, mon bon doux Sire, il faudrait être femelle pour savoir leurs secrets. Langue de garce, âme de garce, cœur de garce. Ce n’est pas de la compassion qu’il faudrait pour pouvoir les comprendre, c’est de l’anéantissement, de la pulvérisation, polichinelle, pantin. La langue de la femelle est celle de la rumeur à l’œil accusateur et qui tisse une toile aux fils en désordre absolu. N’essayez pas, doux Sire, d’en démêler l’écheveau. Il vous faut d’Alexandre suivre le sage exemple qui trancha le nœud gordien. Hachez, hachez monseigneur les cordes des femelles et ne faiblissez pas, réduisez en morceaux, en tas, en cellules, en atomes et méfiez-vous toujours, les têtes des vipères bougent encore éloignées de leurs queues. Mais dîtes-moi mon bon, d’où vient leur méchanceté ? Sire, elle vient de leur ignorance et elles pensent. Elles pensent, résolues, audacieuses, effrontées. Elles pensent être l’origine du monde, elles pensent être l’origine de la vie alors qu’elles en sont les vestales mais elles sont si stupides, elles pensent être le mystère. Mais doux Sire entendez, c’est la vie qui est le grand mystère pas ces tristes femelles ! Mais dîtes-moi mon bon, c’est de la barbarie. Tout à fait, monseigneur. Il n’y a pas une loi humaine ou bien divine qui ne puisse les stopper. Tout leur appartient et l’ombre et le rayon et les quatre saisons, elles s’unissent à l’été, elles s’unissent à l’hiver. Les dés sont tout pipés, désir, désir, désir, tel est leur étendard, leur credo, leur Veni Creator. Ça joue à la poupée dès que c’est tout petit, en veux-tu, en voilà, ça lance ses premiers mots, mange ta soupe, sois gentil, dis bonjour à maman, au baigneur impotent. Et le tour est joué sous l’œil bienveillant des femelles vieillissantes. Monseigneur c’est la honte. Je sais une femelle. Elle avait interdit à l’ensemble de ses filles tous les jeux de poupées. Le remords l’avait prise ? Hélas, non, doux Sire. Elle ne supportait pas l’écho de cette audience. Ce tribunal charmant résonnait de ses fautes. Car voyez-vous seigneur, tandis que la plupart de ces femelles bavardes est sans conteste sotte, une faible fraction est consciente et honteuse. Et muette. Oh comme elles se complètent ! De Charybde en Scylla ! Les garces ! Et c’est à l’unisson qu’en un accord parfait ou un accord tacite, celle-ci guidant celle-là, sous les ordres du cerveau ou de quelque fonction, on continue sa sape, on poursuit sa bataille, on se reproduit encore. Ecoutez la musique, on aime tant se reproduire. Mais dîtes-moi mon bon, c’est une triste chanson. Oh oui, mon doux seigneur, c’est la chanson des femmes, une chanson sans couplet, c’est la chanson truquée engloutie dans le refrain, se reproduire. Elles diront ces femelles, c’est la loi de la nature. La nature ! Enlevez tous les portraits, aquarelles, huiles, crayon, croyez-moi mon doux Sire, de vos habiles artistes, enlevez tous les tableaux de toutes ces femelles, pour ne garder que ceux de l’ensemble de vos pères, de votre illustre gloire, et vous verrez doux Sire, elles seront toute affolées. Ça s’effondre sans images, savez-vous. Les lionnes vont au lac pour se désaltérer, la femelle archaïque s’y rend pour s’admirer. La nature ! Mais dites-moi mon bon ont-elles tant d’artifices ? Hélas oui, doux Seigneur, filles, mères, sœurs ou maîtresses, jalouses ou bien cruelles, elles agacent frères, époux, enfants et se livrent à l’ivresse de leur propre puissance. Elles s’aiment, elles s’aiment, tant, à en haïr le monde. Toute la vie, elles exercent leur pouvoir avec la présomption de leur belle jeunesse à qui la discipline a complètement manqué et comme un fruit caché qui serait parvenu à la maturité sans qu’on s’en aperçut et se détacherait soudainement de l’arbre, il est toujours un temps où même la plus sage se révèle enfin. Ne croyez pas doux Sire, la femelle égoïste, non, on pourrait l’amender. Sa nature est tout autre et c’est l’égocentrisme. Ainsi elle perturbe l’univers, puissamment, inexorablement, dans l’ombre ou la lumière. Quel que soit son reflet, la Lune tient la mer. Mais dites-moi mon bon, s’il m’arrivait un jour, la reine, mes favorites, d’entretenir quelques doutes. Oh Sire, je vous disais tantôt la langue des femelles. C’est la langue indiscrète. Aussi ne laissent-elles échapper le secret de leur commerce. Eclairez moi mon bon. D’abord mon bon doux Sire, il vous faut la prudence, pour éviter leurs larmes, les femelles croient qu’elles les dédommagent, pour éviter leur rage, la fureur du loup pris lui fait autant de mal que la mâchoire du piège. Continuez mon bon. Et bien mon doux Seigneur, puisque vous êtes le roi, comptez sur vos valets et sur vos domestiques. C’est par eux que sont conduites les intrigues de ces femmes au château et jamais l’une d’elles ne s’embarquera en affaire lorsqu’elle aura sujet de s’en défier. Si la conduite de la reine, pardonnez monseigneur, ou d’une de vos favorites vous devient suspecte, appelez dans votre chambre, après le retour de la ville ou le retour de madame, un de ceux qui seront restés au logis pendant votre absence ou qui l’auront suivie lors de ses visites. Laissez le attendre un moment et renvoyez le sans lui avoir rien demandé ni donné aucun ordre. La dame, curieuse et craintive, voudra savoir d’abord pourquoi il aura été mandé, et ne croyant pas ce qu’il lui répondra, c’est-à-dire qu’il a été mandé pour rien, elle ne doutera pas qu’il ne la trahisse et le prenant pour un fidèle espion de ses actions, elle s’abstiendra de tout ce qui pourrait en déshonorer le rapport. Quelle habileté, je vous remercie mon bon. A vos ordres monseigneur. Mais vous savez doux Sire, c’est parce que les hommes ne sont pas hommes qu’ils perdent leur temps à parler des femmes ainsi.
Un roi éclairé JIMMY (reprise du texte en alexandrins)
Sire, elles sont toutes de la race des garces,
C'est un gène transmis par chaque garce-mère
A sa garce de fille: un héritage amer.
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